jeudi 28 décembre 2006

Des montres Vuille


Plusieurs modèles de montres présentent le nom de Vuille ou Wille comme marque de fabrique. Ce sont des modèles récents, du XIXe et XXe siècles. On en trouve en Europe, mais aussi aux Etats-Unis. Je n'ai pas encore trouvé de documentations précises à leur sujet, principalement des illustrations et quelques informations éparses sur des modèles en vente.

Une de ces montres porte pour signature Aug. Vuille & fils . S'agit-il d'Auguste ou d'Augustin? L'arbre généalogique comprend de nombreux Vuille porteurs de ces deux prénoms.

Il y a plusieurs montres des "Frères Vuille", dont la fabrication remonterait au milieu du 19e siècle. Un des vendeurs, qui ne connaît pas ces frères, note que le travail ressemble à celui d'Abraham Bréguet et qu'il s'agit peut-être d'un de ses élèves. L'une est mentionnée comme datant de 1850. Une deuxième est en or.

Un modèle semble fort répandu: la 8 days, signée Sandoz-Vuille. Une autre montre porte pour signature Wille frères.

Une montre créée en 1880 par Albert Vuille, de la Chaux-de Fonds (Suisse), a été mise en vente en juin 2002. Malheureusement, aucune illustration n'accompagne l'annonce. Voici sa description technique: Pocketwatch - Albert Vuille, Chaux-de Fonds, #2726, 53mm open face, stem wind, lever set, nickel bridges, full plate, jeweled to the third wheel, enamel dial has crack and hairlines, Roman numerals, moon hands, triple hinged yellow case is Hallmarked, no karat mark, plain case, no monogram, curvette is engraved "J. R. Dec. 25, 1880". (http://www.timeandstrike.com/auctions/20020609/20020609list.html).

On retrouve trace d'un Felicen Vuille en Irlande au milieu du 19e siècle, dans la ville de Cork. Son nom est repris dans l'annuaire commercial: Vuille Felicen & Co, watch & clock makers, 47 Malbourough st. (http://homepage.eircom.net/~ridgway/1856Corkslater4.htm).

William Vuille, horloger, a marqué les faits divers de la ville californienne, où il était installé, Vacaville, dans le comté de Solano. Voici le compte-rendu de sa mort, paru dans le journal local "The Reporter", à la fin du 19e siècle (le journal a été créé en 1883): William Vuille, horloger et joaillier, se tua d'un coup de fusil dans la chambre à louer qu'il louait au White's building. Il était natif de Suisse et avait près de 43 ans. Vuille avait une femme et des enfants vivant en Suisse et n'avait, selon toute apparence, pas réussi à réunir suffisamment d'argent qu'il comptait leur envoyer. Certains avancent que ce serait là la raison de son geste de désespoir. William K. Hoyt informa les autorités que Vuille était venu ce jour-là chez lui et lui avait proposé d'aller faire une ballade à cheval. Ils se rendirent ensemble au Cuff's Saloon de Fairfield où ils prirent de la bière et fumèrent des cigares.
"C'est alors que Vuille déclara à Hoyt qu'il souhaitait ardemment faire quitter la Suisse à sa famille. Hoyt offrit de l'y aider. Lorsqu'ils quittèrent le saloon, Vuille partit seul et Hoyt ne le revit plus. Vuille avait vécu un peu plus de quatre ans à Suisun. Bien que ne parlant pas couramment l'anglais, il s'y était fait des amis et était spécialement apprécié des enfants. On le disait calme, très gentleman et de commerce agréable. En l'espace d'une semaine, Marks Hyman s'établit comme l'horloger et le bijoutier de la ville dans l'ancienne boutique de Vuille, voisine du drugstore Stockman. Il semblerait que Hyman ait déménagé depuis et que la boutique ait été reprise par l'horloger R.H. Whiterall. En avril, on annonça que F.W. Stone avait racheté le matériel de Vuille et qu'il s'était établi dans le magasin de ferblanterie White. Malheureusement, cet article, encore disponible il y a quelques mois sur le site du Reporter, n'est aujourd'hui plus accessible dans ses archives. Aucune précision supplémentaire ne peut donc être apportée sur la date de publication dudit article
.

On trouve enfin trace d'un Eugène Vuille, fabriquant de montre dans l'Illinois aux Etats-Unis, en 1900. Voici l'annonce qu'il a fait paraître dans un journal local: EUGENE VUILLE, WATCHMAKER, Keeps on hand a large stock of FINE SOLID GOLD JEWELRY. Just received, a complete line of Silver-plateware and solid gold jewelry, which I am offering at low figures for cash, Clocks, Watches, Spectacles, Etc. on hand as usual. (http://www.iltrails.org/Jackson/1900.htm).




Annemarie Schwarzenbach


Annemarie Schwarzenbach, petite fille du général Ulrich Wille, avait un "beau visage d'ange inconsolable", écrivait Roger Martin du Gard. Elle brûla sa vie et les moeurs de son époque. Ecrivain, reporter, aventurière, elle a bourlingué partout, à l'instar de Blaise Cendrars et d'Ella Maillart,. Voici sa biographie rapidement dressée lors de l'inauguration du train "Annemarie Schwarzenbach" par le conseiller d'Etat Laurent Moutinot, à Genève.

Elle conduisait vite, buvait trop d'alcool et consommait de la morphine. Annemarie Schwarzenbach était une provocation vivante dans la Suisse des années trente. Elle s'habillait comme un homme, se coiffait à la Jeanne d'Arc et aimait les femmes. Elle appartenait à une famille de gros industriels. Sa mère, une Wille-Bismarck, était fille de général. II a fallu attendre ces quinze dernières années pour que la littérature découvre Annemarie Schwarzenbach, infatigable voyageuse et femme de lettres.

Résistance et acquiescement - cette double empreinte a marqué l'existence d'Annemarie Schwarzenbach, dont l'oeuvre est aussi complexe que la personnalité. Elle frappe, dans la littérature suisse d'alors, par la précision moderne de la langue et par l'ouverture au monde des thèmes abordés, reflets de l'époque troublée. Des reportages (avec photos) socialement critiques et des récits de voyage restituant des atmosphères du monde entier témoignent de l'envergure et de la richesse intellectuelles de leur auteur. Les doutes personnels et la recherche qui plonge jusqu'au plus profond de soi s'expriment dans les personnages de ces textes: habités par l'inquiétude et le questionnement, souvent nomades, cherchant l'amour pour aboutir à l'échec, et finalement seuls.

Dans la Nouvelle lyrique (1933, trad. 1991), narration précoce, quoique masquée, de l'amour lesbien, la langue simple, fluide et paisible contraste avec la nervosité de l'amour malheureux. Les récits réunis sous le titre Orient exils (édition posthume 1989, trad. 1994) décrivent avec concision et mélancolie les difficultés des Européens en Orient. Dans La Vallée heureuse (1940, trad. 1991), les grands espaces et le dépaysement de la Perse, source d'angoisse, symbolisent le désarroi existentiel de l'homme.

L'inquiétude et le doute contenus dans cette oeuvre trouvent leurs racines dans l'histoire d'une vie. Née le 23 mai 1908 à Zurich, Annemarie Schwarzenbach grandit dans un milieu à la fois militaire et cultivé, sur le domaine du Bocken près de Horgen. Elle est très attachée à sa mère, qui exerce une domination masculine sur la maisonnée et, dans beaucoup de domaines, élève sa fille comme un garçon. Celle-ci a des précepteurs, prend des cours de piano et d'équitation. Elle obtient un doctorat d'histoire à 23 ans.

A partir de 1930, elle se lie d'une amitié forte avec Klaus et Erika Mann. En 1931, elle publie son premier livre. Jusqu'en 1933, elle fait des séjours à Berlin; elle goûte pour la première fois à la morphine. Avec Klaus Mann, qu'elle aide aussi financièrement, elle fonde en 1933 un journal de l'exil, Die Sammlung. Elle se met à travailler, entre 1933 et 1935, comme journaliste et photographe pendant ses voyages en Espagne (avec la photographe Marianne Breslauer) et en Asie du Sud-Ouest. Les vives tensions entre Annemarie Schwarzenbach et sa famille conduisent la jeune femme à une tentative de suicide en 1935. Elle est brièvement mariée, à Téhéran, avec le diplomate français Claude Clarac.

De 1936 à 1938, elle parcourt les Etats-Unis, l'Allemagne, les pays baltes, l'Union soviétique, la Suède, l'Autriche et la Tchécoslovaquie pour y faire des reportages avec photos. Le 6 juin 1939, elle part en voiture avec l'écrivain suisse Ella Maillart jusqu'en Afghanistan, où la déclaration de guerre les surprend. En janvier 1940, Annemarie Schwarzenbach revient en Europe. Elle fait un séjour en 1940-1941 aux Etats-Unis, où elle se lie d'amitié avec l'écrivain américaine Carson McCullers et, après avoir craqué nerveusement, elle fréquente plusieurs cliniques psychiatriques.

De retour en Suisse au début de 1941, elle repart au Congo belge, d'où elle revient en été 1942 en passant par le Portugal, l'Espagne et le Maroc. Le 15 novembre 1942, Annemarie Scharzenbach meurt des suites d'un accident de vélo, à Sils en Engadine.

Son oeuvre:

"Nouvelle lyrique", traduit par Emmanuelle Cotté,Editions Verdier 1994"Loin de New York", Reportage et photographies (1936-1938), traduit et présenté par Dominique Miermont, Payot, 2000"La Mort en Perse", traduit par Dominique Miermont, Payot, 1998"Orient exils", traduit par Dominique Miermont, Autrement, 1994 (épuisé); Payot, 2000"La Vallée heureuse", traduit par Yvette Z’Graggen, avec une biographie de l’auteur par Charles Linsmayer, Éditions de l’Aire/Éditions du Griot, 1991 (épuisé)

Sources du texte:

Feuille d'avis officiel de l'Etat de Genève: http://www.geneve.ch/fao/2001/20010523.asp

Liens intéressants:

http://jm.saliege.com/Annemarie.htm. Le site regorge d'informations sur Annemarie Schwarzenbach, sa vie et son oeuvre.
http://www.ellamaillart.ch/. Le site sur cette autre fameuse bourlingueuse suisse, dont les récits et les photographies ont fait aussi le tour du monde.

Georges-Alain Vuille


Il était une fois à Lausanne un cinéphile, tombé dans la marmite du 7e art dès la prime enfance. Bercé par Citizen Kane, il devint un jour Citizen Vuille ! Georges-Alain Vuille connut une ascension fulgurante dans les années septante, d'abord comme distributeur, puis comme producteur de cinéma. Il enchaîna deux grosses productions, avec des vedettes internationales. Les années quatre-vingts lui furent fatales. Une faillite retentissante annihila ses projets. L'homme, toujours aussi passionné, parvint encore à produire un fillm juste avant les années nonante. L'homme est mort avant le nouveau millénaire, avec encore plein de projets cinématographiques dans la tête.


Avec Georges-Alain Vuille, c'est un vrai personnage du paysage suisse romand qui disparaît, souligne Norbert Creutz, dans le journal Le Temps, du 8 juillet 1999. Un amoureux du cinéma, un flambeur, avec ce qu'il fallait de naïveté sympathique, de passions, de frustrations et d'arrogance pour accomplir un tel parcours. Il y a loin du jeune homme qui se rendait à moto assurer les projections dans la salle paternelle au producteur paradant en limousine à la première de sa superproduction hollywoodienne Ashanti et à l'homme malade et diminué qui s'est éteint dimanche dans un hôtel parisien. Tel Napoléon à Sainte-Hélène depuis l'écroulement de ses rêves de producteur, il préparait un retour de plus en plus improbable. A présent, sa vie elle-même ferait un beau sujet de film, dans le genre volonté de puissance, grandeur et décadence.


Originaire de La Sagne, George-Alain Vuille est né à Lausanne en 1948. Son père détenait le cinéma Colisée, à La Sallaz, sur les hauteurs de la capitale vaudoise. C'est là qu'il fit ses classes de 7e art, dégustant à l'oeil tout ce qui était projeté sur les toiles du cinéma paternel.

En sa mémoire, note Gilbert Salem dans le journal "24 heures" du 8 juillet 1999, il engrangeait plus de vastes cavalcades cinémascopiques que de scènes intimistes françaises, ou (à meilleur marché encore) de scénarios métaphysiques comme le cinéma suisse devait en élaborer. Lorsque Georges-Alain Vuille reprit de ses parents le petit cinéma de La Sallaz, il possédait donc une connaissance encyclopédique, d'essence plus californienne qu'européenne.

Citizen Vuille

Georges-Alain Vuille aimait le cinéma. Il était aussi habile et ambitieux en matière de commerce. Très rapidement, il a étendu son empire sur Lausanne, rachetant les salles de cinéma les unes après les autres, jusqu'à en contrôler une trentaine et monta la société Finance-Management-Ciné SA. Une société reprise après sa faillite par Métrociné. Sa réussite rapide et son emprise sur le circuit de distribution à Lausanne entraînèrent rapidement des critiques.

Volontiers abrupt mais plein de verve, il avait nettement amélioré la programmation des salles, mais s'était attiré les foudres de la gauche qui lui reprochait sa politique des prix, note Yves Lassueur dans le journal Le Matin du 7 juillet 1999. En 1971, des centaines de manifestants du CAC (Comité d'action cinéma) descendaient dans la rue à Lausanne pour conspuer Georges-Alain Vuille, rebaptisé "Citizen Vuille".

A l'image de Citizen Vuille, ne faudrait-il pas préférer la Splendeur des Amberson...

A défaut d'Orson Welles, commente Norbert Creutz, dans le journal Le Temps, du 8 juillet 1999, le petit homme rond sera David O. Selznick, le fameux producteur d'Autant en emporte de vent: il n'est pas né pour rester "épicier du cinéma". Mais les temps n'ont-ils pas changé depuis ce vieil Hollywood qui le fascine tant? Il n'en a cure et s'improvise producteur en appliquant la vieille recette: acquisition des droits d'un best-seller, engagement de stars et d'un metteur en scène. Le reste du financement suivra. Au début, ça marche. Avec Yves Montand et Romy Schneider, d'après Romain Gary et réalisé par Costa-Gavras, Clair de femme (1) est un "package" condamné à faire recette en 1979. Même si ce mélodrame intimiste ne convainc pas grand monde.

Malheureusement, ce qui devait être une réussite hollywoodienne se transforma en série noire:

En 1979, il finance Ashanti (2), de Richard Fleischer, avec Peter Ustinov, rapporte Emmanuel Grandjean, dans la Tribune de Genève du 8 juillet 1999. "Le projet était énorme", se souvient Michel Bulher. "C'était la première fois qu'un Suisse se lançait dans un film à l'envergure hollywoodienne." A sa sortie, Ashanti est un échec. Clair de femme, de Costa-Gavras, avec Yves Montand et Romy Schneider, est mieux accueillie mais ne rencontre pas le succès escompté. Tai-Pan achève de mettre le producteur sur les genoux.

Georges-Alain Vuille aimait les sagas exotiques et les acteurs de renommée. Ashanti avait réuni quelques vedettes, de Michael Caine à William Holden en passant par Omar Sharif et Peter Ustinov. Pour Tai-Pan, le cocktail célébrités et exotisme vira au cauchemar.

Une faillite retentissante

Fort de ce coup médiatique, Vuille annonce alors la mise en chantier de Taï-Pan, fameux best-seller de James Clavell qui retrace les débuts de la colonie britannique de Hongkong, commente Norbert Creutz, dans le journal Le Temps, du 8 juillet 1999. Les droits sont achetés à prix d'or, les décors bâtis en Yougoslavie. Steve McQueen est engagé et reçoit une avance d'un million, puis meurt d'un cancer. Le producteur approche alors Sean Connery, mais c'est à ce moment que ses partenaires de la banque Paribas le lâchent. Une faillite estimée à 52 millions est prononcée et un long bras de fer judiciaire s'engage. Poursuivi par ses créanciers, Vuille se voit contraint de lâcher toutes ses salles et de réduire son train de vie. Il est finalement blanchi des accusations de gestion déloyale et de banqueroute frauduleuse en 1986. Quant à son beau projet, il a été vendu à Dino de Laurentiis, qui en tire un film décevant la même année.

Georges-Alain Vuille a puisé des films américains cette leçon: on peut survivre à l'échec, on peut gagner après avoir été mis par terre. Contre toute attente, il revient donc sur le devant de la scène avec un nouveau film qu'il produit en 1989: "La Nuit du Sérail" ("The Favorite" en anglais) (3). L'échec critique et commercial de ce film à l'eau de rose, tiré d'un roman de Michel de Grèce, aura raison de ses autres projets: que ce soit le "Hannah", d'après Paul-Loup Sulitzer, qu'il rêva de monter, tourné par Jack Clayton - l'annonce du projet en grande pompe avait fait grand bruit à Cannes en 1986 - ou "Cecilia" qu'il voulait confier au réalisateur Irvin Kerschner, avec Jeremy Irons, Matt Dillon et Virginie Ledoyen - le projet fut encore présenté à Cannes en 1998.

Les années nonante furent moins glorieuses. Le cinéphile est retourné dans les salles obscures de ses débuts. Programmateur de la salle Ciné 17, il a géré la maison de distribution VP Cinétell. Une greffe de poumons, conséquence de l'absorption de médicaments coupe-faim, lui sera fatale.

Il y a trois ans, il subit une greffe des deux poumons. Très affaibli par sa grave opération et ses nombreux déboires, le producteur continue malgré tout à mener le train de sa passion, rapporte Emmanuel Grandjean dans la Tribune de Genève du 8 juillet 1999. "L'année dernière, à Cannes, il m'avait même parlé de Cecilia, un film d'amour en costumes avec l'Italie du XIXe siècle pour toile de fond", conclut le distributeur genevois. Ce Guépard revu et corrigé autour d'une appassionata de Rossini restera un rêve inachevé.

"Je travaillais avec lui; je vais m'efforcer de poursuivre son rêve." Ce sont là les mots d'adieu d'un fils à son père. Jonathan, 24 ans, les a prononcés en mémoire de Georges-Alain Vuille, le jour de son enterrement, le 15 juillet 1999.

Ses productions:

(1) "Clair De Femme", mis en scène par Costa-Gavras, 1979, durée: 105 minutes. Avec notamment Yves Montand, Romy Schneider, Catherine Allegret, Roberto Benigni, Francois Perrot, Jean Reno. Le scénario, tiré du roman éponyme de Romain Gary, est signé par Costa-Gavras et Christopher Frank.

(2) "Ashanti", mis en scène par Richard Fleischer, 1979, durée: 117 minutes. Avec notamment Michael Caine, Peter Ustinov , Omar Sharif, Rex Harrison, William Holden, Tyrone Jackson et Jean-Luc Bideau. Le roman "Ebano" d'Alberto Vasques-Figueroa, avait été adapté au cinéma par Stephen Geller.

(3) "La nuit du sérail" (The Favorite, en anglais), mis en scène par Jack Clayton (Smight), 1989, 104 minutes. Avec notamment F. Murray Abraham, Maud Adams, Amber O'Shea, James Michael Gregary , Ron Dortch et Laurent Le Doyen. Le scénario de Larry Yust était basé sur le roman "Sultana" de Michel de Grèce.

Sources du texte:

Journal Le Temps: http://www.letemps.ch
Journal La Tribune de Genève: http://www.tdg.ch
Journal Le Matin: http://www.lematin.ch
Site Movie Gallery: http://www.moviegallery.com
Site TV Guide: http://www.tvguide.com

Ulrich Wille




Le général Wille a commandé l'armée suisse durant le premier conflit mondial. Le moins que l'on puisse dire, c'est que son évocation a longtemps soulevé la polémique. En cause, ses atomes crochus avec l'Allemagne, à commencer par une épouse von Bismarck, qui l'auraient conduit à pointer les canons suisses davantage sur Paris que sur Berlin. Son patronyme germanisé lui aurait-il fait oublié ses origines romandes et latines?

Comme indiqué dans le chapitre consacré aux Vuille et Wille, Henri Vuille, maître-cordonnier aux Deux-Ponts, se maria dans le Palatinat en 1741 et adopta le patronyme Wille, Vuille étant imprononçable en allemand. Il fut le père de six enfants dont le troisième, Joseph-François, eut pour petit-fils François Wille. Ce dernier était le père d'Ulrich Wille, le général de 1914, et de son frère Robert-Arnold.

"Ulrich Wille a été l'une des personnalités les plus fortes de la Suisse contemporaine, peut-on lire dans "650 ans d'histoire suisse" ( publié sous la direction d'Eugène Th. Rimli aux éditions Verkehrsverlag, Zurich, 1941). Sa famille, originaire de La Sagne, dans le canton de Neuchâtel, avait quitté la Suisse romande et changé son nom primitif de Vuille en Wille. Le futur général était né à Hambourg, mais il passa sa jeunesse dans le domaine de Mariafeld près de Feldmeilen, dans un milieu très cultivé et très vivant. Il avait participé comme jeune officier à l'occupation des frontières en 1870-1871 et s'était rapidement fait apprécier par son intelligence lucide, son esprit de décision et son inflexible volonté. Après avoir fait son droit, Wille choisit la carrière militaire. Lieutenant-colonel à 32 ans, il était trois ans plus tard instructeur en chef de la cavalerie.

"En butte à une vive opposition où des questions de personnes se mêlaient à des raisons politiques, il donna sa démission en 1896 et se retira dans la vie privée pour continuer à défendre par la parole et par la plume ses idées personnelles sur la réorganisation de l'armée. Il fut bientôt rappelé. Commandant de la 6e division en 1900, chef du Ier corps d'armée en 1904, Wille sut donner toute sa mesure et user de toute son influence pour faire accepter la nouvelle organisation militaire de 1907 dont il était l'un des principaux auteurs, et qui fut mise à l'épreuve de 1914 à 1918. Il avait réussi donner à la Suisse l'armée qu'il lui fallait dans une Europe où les dangers de guerre allaient croissant et où les armées de nos voisins se perfectionnaient sans cesse".

Méthode prussienne contre concept républicain



A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, l'armée suisse est au centre d'une vive polémique qui embrase toute la société helvétique. Elle porte sur le rôle de l'armée et la place du citoyen-soldat dans ses rangs. Deux thèses s'affrontent: la "Nationale Richtung" (direction nationale), inspirée de la Révolution française, de conception républicaine, et la "Neue Richtung" (nouvelle direction) dirigée par Ulrich Wille, lequel promeut le modèle prussion où le conscrit est soldat et non pas citoyen sous les armes.

A partir de 1890, apparaît une nouvelle tendance, autour du futur général Ulrich Wille, qu'on appellera la Neue Richtung, explique l'historien Rudolf Jaun, codirecteur des Archives de l'armée, dans un entretien accordé à Pietro Boschetti, dans le journal "Le Temps" du 19 février 1999. Ce sont des officiers instructeurs, surtout implantés dans la cavalerie et l'artillerie, plus tard dans l'infanterie, qui, eux, rejettent la vision républicaine de l'armée. Leur but n'est pas d'incorporer le maximum de citoyens, mais "d'éduquer" des jeunes hommes pour en faire des soldats et rien que des soldats. Dans cette armée-là, on n'a plus besoin du citoyen. Le citoyen-soldat gêne. Le modèle de la Neue Richtung, c'est l'armée prussienne, considérée alors comme la meilleure. La conception est belliciste: la guerre n'est pas quelque chose de fonctionnel, mais d'existentiel; c'est l'épreuve du droit à l'existence d'une société. La guerre est régénératrice, salutaire, susceptible d'améliorer la société. Et l'instruction militaire doit s'y conformer. La Neue Richtung va promouvoir une instruction moderne, mais qui exige une nouvelle discipline du conscrit. Elle va systématiser le drill, les exercices dont l'objectif n'est pas l'apprentissage de telle ou telle manœuvre militaire, mais le développement de l'obéissance-réflexe. (...) Pour faire comprendre ce qu'il attend de cette nouvelle discipline, Ulrich Wille explique à ses officiers instructeurs qu'au lieu de faire avancer et reculer une section de façon à entraîner la manœuvre, ils pourraient ordonner aux soldats de tirer la langue, puis de la rentrer. Cela montre bien la fonction de l'instruction: il s'agit de développer l'obéissance-réflexe des conscrits, même quand ils font des exercices qui n'ont aucun sens militaire. D'ailleurs, Ulrich Wille avait l'habitude de comparer l'instruction militaire au dressage des chevaux.

Les idées d'Ulrich Wille passeront le cap de la votation populaire et la nouvelle loi fédérale sur l'organisation militaire fut ainsi adoptée en 1907, signant la prédominance de la Neue Richtung.

Cette loi est un compromis, mais il est vrai que la vision Neue Richtung y prédomine, poursuit l'historien Rudolf Jaun dans ce même entretien du Temps. Cette victoire en votation populaire, bien que serrée, permet à Ulrich Wille et à ses partisans de s'installer durablement aux commandes de l'armée. Wille devient l'un des officiers supérieurs les plus influents, avant même d'être nommé général au début de la Première Guerre mondiale. (...) Certes, Wille et la Neue Richtung finiront par s'imposer. La résistance au sein des troupes est cependant assez forte, puisqu'il sera même question de lancer une initiative pour l'abolition de l'armée. Cela dit, je pense que la vision de Wille influencera longtemps encore le corps des officiers instructeurs, même s'il y a une rupture momentanée durant la période du service actif de la Seconde Guerre mondiale.

Ulrich Wille devient général

Août 1914, la guerre éclate. Ulrich Wille va pouvoir profiter de l'effet des réformes qu'il a imposées au corps militaire suisse.

"Les autorités prirent incontinent les mesures qu'exigeait la situation, précise-t-on dans "650 ans d'histoire suisse". Avant même la réunion de l'Assemblée fédérale, prévue pour le 3 août, le Conseil fédéral avait mis en vigueur les premières mesures économiques et décrété la mobilisation générale de l'armée; le tocsin sonna dans les plus petits villages et la "générale" retentit partout. Les Chambres furent appelées à ratifier ces mesures, à donner les pleins pouvoirs au gouvernement et, conformément à la Constitution, à élire le général. Le Conseil fédéral proposait le colonel-commandant de corps, Ulrich Wille. Bien que sa valeur militaire fût incontestée, son caractère, ses relations de famille avec la plus haute artistocratie allemande et ses sympathies germaniques suscitèrent une vive opposition dans les milieux romands, chez les socialistes et chez certains radicaux. De nombreux parlementaires lui préféraient Théophile Sprecher de Brenegg. Le Conseil fédéral fit néanmoins passer l'homme de son choix et son concurrent fut désigné comme chef d'état-major".

Ulrich Wille n'avait pas non seulement le tort de connaître personnellement Guillaume II, qu'il reçut dans sa propriété de Wesendonck en 1912 et d'avoir épousé une comtesse von Bismarck, il était aussi étiquetté comme très anti socialiste et anti-romand. Par 122 voix contre 63, il fut néanmoins préféré à son rival von Sprecher.

Comme le mentionne le "Dictionnaire historique de la Suisse", le général Ulrich Wille protégea les frontières sud et nord-ouest par un corps d'armée. Un troisième corps d'armée, mobile, se tenait prêt sur le Plateau. Dans le cas d'une attaque allemande ou française, les troupes de la frontière nord-est devaient, tout en se battant, se retirer dans les hauteurs du Jura afin de permettre aux troupes de réserve d'attaquer les colonnes ennemies par le flanc. Ce dispositif protégea la Confédération et la politique de neutralité adoptée par la Suisse la préserva de l'appétit de ses proches voisins en guerre.

Durant tout le conflit, un climat de suspicion continua d'entourer le général, tout particulièrement auprès des cercles romands et progressistes. Dans une missive adressée au Conseil fédéral, le 20 juillet 1915, le Général Wille suggère l'entrée en guerre de la Suisse aux côtés des Empires centraux. Ces propos, révélés par la presse, suscitèrent un fort mécontentement en Suisse romande. Plusieurs lettres privées, citées par le politologue et conseiller municipal socialiste Pascal Holenweg, sur son site Trouble, attestent de son penchant germanique::

La guerre sous-marine allemande va coûter de nombreuses vies innocentes, mais ce serait superbe si l’Angleterre était battue avec ses propres armes ! Ils ne disposent pas de l’organisation allemande qui leur permettrait de supporter le blocus et de remporter la victoire! (lettre à Clara Wille von Bismarck, 1er février 1917)

Est-ce que nous aurons l’occasion de vivre la reconnaissance de la grandeur de l’Allemagne par le monde entier quand elle aura gagné la plus grande guerre de tous les temps ! Grande en tout. (lettre à Clara Wille von Bismarck, 20 février 1917)

La grande offensive (allemande) à l’ouest doit être couronnée de succès et le sera bientôt. Hélas, beaucoup de gens y laisseront la vie ou seront mutilés. Mais cette offensive est nécessaire, sinon la paix ne sera qu’une demi-paix. La grandeur et la force de l’Allemagne seront indéniables après cette grande offensive victorieuse. La manière même dont cette offensive a été pensée et menée provoquera l’étonnement admiratif du monde entier et des générations futures. (lettre à Clara Wille von Bismarck, 14 mars 1917)

De l'affaire des colonels à la Grève Générale

"L'affaire des colonels" sema encore plus le trouble sur la nature germanophile du commandement de l'armée suisse. Fin 1915, le bruit circule que des membres de l’état-major auraient communiqué aux " centraux " des renseignements confidentiels, rapporte Pascal Holenweg. Deux officiers supérieurs, les colonels Egli (sous-chef de l’Etat-major) et von Wattenwyl, du service de renseignement militaire, ont en effet transmis aux attachés allemand et autrichien le bulletin confidentiel quotidien Gazette de l’état-major ainsi que des dépêches adressées à la Légation russe de Berne et des traductions de documents confidentiels russes. La presse romande et la presse socialiste dénoncent une " trahison ". Les 11, 14 et 15 janvier 1916, le Conseil fédéral, en présence de Wille, ordonne une enquête et suspend les deux colonels ; mesure insuffisante pour les francophiles, les socialistes et leurs presses : alors que le gouvernement fédéral écarte l’accusation de trahison (tout en saisissant cependant la justice militaire des agissements des deux officiers), une étrange alliance de la gauche pacifiste et de la droite francophile, des socialistes et des partisans de l’Entente, pousse à des mesures plus définitives.

Avec l'entrée en guerre des Etats-Unis, le 6 avril 1917, le cours du conflit change. La présence du général s'avère dérangeante et d'aucuns veulent s'en séparer. Le Conseil fédéral, le 2 novembre 1917, décide de pousser le général vers la sortie, une démission en bonne et due forme. On invoque des raisons de santé - l'homme souffrait d'artériosclérose - mais son remplaçant envisagé, le Colonel commandant de corps Audéoud, décède quelques jours plus tard. Ulrich Wille restera aux commandes de l'armée jusqu'à la fin du conflit et notamment lors de la Grève Générale de 1918.

Car la Suisse n'échappe pas aux mouvements sociaux et aux secousses de la révolution russe d'octobre 1917. La population a été très durement touchée par les privations, l'inflation ayant fortement grevé le pouvoir d'achat.

La première étincelle fut sans doute le 17 novembre 1917 l'émeute de Zurich, observe-t-on sur le site Cliotexte. Il s'agissait à la base d'une fête spontanée, organisée par des pacifistes marginaux et des cercles de la jeunesse de gauche, pour fêter la victoire des bolcheviques en Russie. Elle frappa l'opinion publique car elle provoqua la mort de 3 manifestants et d'un policier. (...) La grève générale de novembre 1918 : un an plus tard, à l'approche du premier anniversaire de la révolution russe, diverses personnalités bourgeoises - parmi lesquelles le général Wille - font part de leur inquiétude face à cet anniversaire. On craint en effet une répétition de l'émeute de 1917, d'autant plus que le mouvement Spartakiste menace de faire sombrer l'Allemagne en pleine débâcle dans le communisme. Ces personnalités réussissent à convaincre le Conseil fédéral d'ordonner l'occupation militaire préventive de la ville de Zurich pour éviter toute insurrection révolutionnaire. Le Comité d'Olten, regroupant depuis février 1918 les forces politiques et syndicales du socialisme suisse, répond d'abord par des grèves de protestation. Face au refus du Conseil fédéral de faire marche arrière, le Comité d'Olten en appelle à la Grève générale (12-14 novembre 1918).

La grève sera suivie par quelque 250.000 travailleurs, mais de manière très inégale selon les régions. Après trois jours, les soldats envoyés par le Conseil fédéral sont maîtres de la situation. Le Comité d'Olten cède sans condition. La grève est donc un échec.

Ce fut le dernier front du général Wille, coïncidant pratiquement avec la fin de la guerre. Il décéda quelques années plus tard, en 1925.

Sources du texte:
"650 ans d'histoire suisse" ( publié sous la direction d'Eugène Th. Rimli aux éditions Verkehrsverlag, Zurich, 1941
Le journal Le Temps http://www.letemps.ch/
Dictionnaire historique de la Suisse: http://www.snl.ch/dhs/externe/protect/francais.html
Le site Trouble http://site.ifrance.com/Troubles/pacifism.htm
Le site Cliotexte: http://hypo.ge-dip.etat-ge.ch/www/cliotexte/html/suisse.greve.1918.html

mercredi 27 décembre 2006

Marie-Nancy Vuille

Marie-Nancy Vuille, femme-écrivain, signait au masculin, André Gladès, du nom de jeune fille sa mère. C'est sous ce pseudonyme qu'elle mena une carrière de femme de lettres et de traductrice à Paris. Elle appartenait au mouvement naturaliste.

Marie-Nancy Vuille est née à Neuchâtel le 25 novembre 1867 dans le quartier du Seyon. Comme l'indique Edouard Rod dans la préface de "Florence Monneroy", une des oeuvres les plus connues de Marie-Nancy Vuille, elle se plaisait à rappeler la date et les lieux de sa naissance. Ce triste mois de novembre, disait-elle volontiers, est celui où l'on meurt le plus souvent dans sa famille.

Son père, M. Louis Vuille, appartenait à une bonne famille bourgeoise, originaire de La Sagne. Après un accident, l'écroulement d'une grande maison en construction, en avait compromis l'aisance il dut consacrer à la rétablir beaucoup d'efforts laborieux, une grande somme d'intelligence et d'énergie. De sa ville natale, il ne tarda pas à transporter le centre de son activité à Genève, où il réussit à fonder l'importante Brasserie de Saint-Jean. Il y avait épousé la fille d'un pharmacien d'origine allemande, Mlle Adèle Gladès.

Louis Vuille se donnait tout entier à ses affaires de brasserie. Trois filles naquirent. La prospérité croissante aurait assuré une existence paisible, mais la maladie s'abattit sur la jeune mère, les années d'angoisses commencèrent. Quels troubles la maladie prolongée de la femme et de la mère apporte à un foyer ! L'homme est veuf sans l'être, en pleine maturité, en pleine vigueur. Ses enfants manquent de ces soins maternels que rien ne peut remplacer : dans le
malheur commun, leur part est souvent la plus grande, observe Edouard Rod
.

La jeune Marie-Nancy Vuille grandit à Genève. Genève est une ville où les jeunes filles s'en vont souvent seules à l'École secondaire ou au Conservatoire, dans la sécurité des rues : Nancy, comme beaucoup d'autres, sortait sans " chaperon ", le plus souvent avec l'une de ses sieurs cadettes, observe Edouard Rod, dans cette préface de "Florence Monneroy. Or, un jour, il lui revint qu'un des pasteurs de la ville avait dit à une personne de ses relations Pourquoi rencontre-t-on toujours les demoi-selles Vuille seules ? Cela n'est vraiment pas " comme il faut ". En me rapportant ce blâme, qui l'avait frappée dans son ombrageuse fierté, elle s'écriait "Comprenez-vous cela, dites? Nous n'avions personne pour nous accompagner : fallait-il donc nous enfermer chez nous comme dans une prison?"

De Londres à Paris


Avec sa seconde soeur, Marie-Nancy Vuille passa une année dans un pensionnat allemand, à Weinheim, près d'Heildelberg, puis deux années dans un pensionnat anglais, à Hampstead, près de Londres, où elle donna aussi des leçons de. français.

Je ne crois pas que l'Allemagne l'ait beaucoup influencée : on l'y obligeait à travailler la musique, qu'elle n'aimait guère. En Angleterre, au contraire, tout lui plut : la langue qu'elle apprit à fond, la littérature dont elle s'imprégna, l'ordon-nance régulière de l'esprit et des moeurs. Elle revint. avec un aspect et comme un accent anglais. Rien ne la réjouissait comme d'être prise pour une Anglaise. Dans notre petit cercle, nous l'avons toujours appelée " miss Nancy " : une amie de ma fille, qui vit son portrait dans un journal, ne l'avait jamais connue que sous ce nom-là.


Londres lui fit forte impression. J'en retrouve l'écho dans un petit poème, Saint-Paul de Londres, qui fut écrit, je crois, en i 89o, et qui témoigne également de son état d'esprit à ce moment-là



C'est l'église de la cité, Calme, dans la rue agitée.
Contre ses murs mornes et gris Les bruits de la ville se brisent.
Sous les voûtes, un roulement Confus de lointaine tourmente
Scande d'un sanglot infini Les plaintes de la litanie.
Que de paix, Seigneur, que de paix ! Entre ces murailles épaisses,
Où la voix des enfants de choeur Monte et descend, exulte ou pleure !
Oh ! s'anéantir, oublier !.. . Oh! monter avec la prière...



Contre toute attente, la maman de Marie-Nancy Vuille s'est rétablie. Elle divorce de son mari. Marie-Nancy vit dans le bas de la rue du Mont-Blanc, à Genève, avec son père et sa seconde sueur. Les fenêtres de l'appartement ouvraient sur l'île Rousseau, tandis que sa mère déménage vers une pittoresque " campagne " au Pommier, près du Petit-Saconnex. C'est à cette époque qu'elle se mit à écrire, d'abord sous le pseudonyme d'Anne-Marie, puis sous celui d'André Gladès, qui fut bientôt remarqué. Elle commença naturellement par des vers. Puis elle fit des nouvelles, des romans, des traductions, des essais.

Elle venait de publier son excellente traduction du Mystère du poète, de Fogazzaro, et quelques nouvelles dans la Revue de famille et dans d'autres périodiques, quand son père se décida à quitter Genève avec ses deux filles aînées : il avait racheté, avec une société de capitalistes genevois, la brasserie des Moulineaux, qui rentrait dans la liquidation du baron de Reinace, et il allait s'établir à Paris (1893). Longtemps avant cet exode, note Edouard Rod, Paris exerçait déjà sur Mlle Gladès, à distance, son habituelle attraction. Il ne la déçut pas : elle l'aima. En douze années, elle ne le quitta, sauf ses séjours en Suisse, que pour revoir l'Angleterre et passer quelques semaines à Rome, chez ses amis M. et Miss Brewster.

Romans et nouvelles

C'est à Paris que Marie-Nancy Vuille écrivit ses trois romans ("Au gré des choses", 1895 ; "Résistance", 1898; "le Stérile sacrifice", 1901) ; de nombreuses nouvelles; plusieurs essais, entre autres une étude sur le poète italien Giovanni Cena ; des traductions, rarement signées, du "Mystère du poète", du "Petit monde d'autrefois", de la "Femme en gris", de "l'Amulette de Neera", du "Pintoricchio" de Corrado Ricci, de diverses nouvelles de Fogazzaro, Giacosa, Neera, Deledda, etc.

Je n'ai pas l'intention de mêler des appréciations littéraires à cette simple étude d'âme, commente Edouard Rod; je ne puis pourtant m'empêcher de dire qu'une de ses nouvelles, Florence Monneroy, me paraît un chef-d'oeuvre, que le Hasard est bien près d'en être un, et que les dernières pages du Stérile sacrifice sont parmi les plus poignantes, les plus puissamment expressives que je connaisse. Aucune trace de rhétorique, dans ces morceaux dont l'émotion vous prend à la gorge : la vérité d'un sesntiment profond en fait la force, et elle y parle la langue simple, vigoureuse et directe qu'elle seule sait parler.

A propos des trois romans de Marie-Nancy Vuille, alias André Gladès, Edouard Rod souligne que, s'ils ne sont pas parfaits, avec leurs défauts ou leur gaucherie d'exécution, ils révèlent une telle délicatesse d'âme, un si sincère talent d'expression, une si diligente intelligence de la vie qu'on ne les saurait lire avec indifférence. Ils ont en outre cet avantage de former un tout homogène. (...) Ils constituent une étude très complète des conditions de la femme seule, aux prises avec les difficultés de la vie et de l'amour : dans le premier, l'héroïne, mal armée, trop faible, s'abandonne au courant; mieux trempée et mieux préparée, elle résiste dans le second, se relève après la chute par l'effort du tra-vail, conquiert ses droits au bonheur; dans le troisième, elle renonce à sa part de joies pour obéir à une idée chrétienne de sacrifice dont elle regrettera plus tard d'avoir écouté le conseil; un quatrième roman, qui est inédit et dont je ne veux pas parler encore, devait, en opposition avec le Stérile sacrifice, aboutir au triomphe dans la liberté, comme l'indique son beau titre, "Forts et joyeux"; et c'est celui, sans doute, où Mlle Gladès aurait le plus com-plètement exprimé son idéal de vie. Cette unité donne à l'oeuvre une certaine grandeur : on la consultera plus tard, quand on voudra connaître l'état d'esprit des femmes de notre temps, retenues encore dans les entraves des anciennes moeurs et attirées par les perspectives d'indépendance que leur ouvrent les moeurs nouvelles.

Marie-Nancy Vuille est décédée début 1906, des suites d'une longue maladie. Edouard Rod raconte que toute jeune, la femme-écrivain s'était prise de tendresse pour sa grand-mère maternelle, lui consacrant un de ses premiers petits poèmes. Je n'ai pas encore retrouvé ce morceau dans ses papiers; elle me l'avait montré il y a bien longtemps. Le dernier vers en est resté dans ma mémoire Est-ce ton âme en moi, mon arrière -grand'mère?... C'était un de ses charmes, la poésie qu'elle mettait à évoquer des choses lointaines, des figures effacées, un passé qu'elle n'avait pas connu et qui pourtant semblait flotter dans sa mémoire. Elle avait le culte de ces souvenirs ancestraux, de cette vie antérieure qu'ont vécue pour nous les inconnus qui nous ont précédés, dont les douleurs et les joies, les regrets et les voeux nous ont faits ce que nous sommes.

Edouard Rod de rappeler un de ses petits poèmes de Marie-Nancy, daté de décembre 1890:

N'avez-vous pas senti s'agiter en votre être
Tout un passé lointain impossible à connaître,
Mais qu'on a là pourtant?
Ce sont des souvenirs de pâleur effacée,
Des pays entrevus, qui hantent la pensée
De leur vague irritant ;
Ou bien de très beaux vers doux et mélancoliques
Dont on connaît déjà les accents poétiques
Avant qu'on les ait lus.
C'est une intuition de choses entrevues.
Quelles choses? Où? Quand ! Hélas! peines perdues,
L'esprit ne le sait plus. . . .


Bibliographie:

Parmi les oeuvres cataloguées par le Réseau des bibliothèques neuchâteloises et jurassiennes:
"Au gré des choses", Paris, Perrin, 1895 "Résistance", Paris, Perrin ; Lausanne : F. Payot, 1898"Le stérile sacrifice", Lausanne : F. Payot, 1901 "Les hôtes du Moulin-Boqueteau", Paris : Ed. de "La revue hebdomadaire", 1907

Un grand merci à Roland Vuille qui a scanné "Florence Monneroy" et "Les hôtes de Moulin-Boqueteau".

Vuille et Wille

D'où vient l'origine des Wille? Le généalogiste Eric Nusslé, dans sa chronique, détaille la germanisation du patronyme: Lorsqu'un membre de la famille s'est rendu dans le Palatinat au XVIIe siècle, il fut appelé non pas Vuille, patronyme pratiquement imprononçable en allemand, mais Wille. Cette forme s'est maintenue jusqu'à nous. Henri Vuille, maître-cordonnier aux Deux-Ponts, s'y maria en 1741. Il fut le père de six enfants dont le troisième, Joseph-François, eut pour petit-fils François Wille.

François Wille était considéré comme un authentique allemand; il fit partie, en 1848, du parlement de Francfort, mais la réaction de l'année suivante le contraignit à se réfugier en Suisse. En 1851, il s'établit à Meilen ZH. On ne renonçait pas, à cette époque, à son origine primitive, si bien que les Wille, tout allemands qu'ils fussent devenus, pouvaient revendiquer leur indigénat de La Sagne sitôt fixés en Suisse. Il n'y manquèrent pas et firent même par la suite l'acquisition de la bourgeoisie de Meilen.

François Wille était le père d'Ulrich Wille (Hambourg 1848 - Meilen 1925), le général de 1914, et de son frère Robert-Arnold. Ce dernier, fixé au Château de Rickelshausen près de Radolfzel, au pays de Bade, acquit en 1876 la nationalité badoise et renonça à celle de Neuchâtel. A cette occasion, la préfecture de Constance écrivait en date du 29 février 1876 au Conseil d'Etat (traduction) : " Nous vous informons que nous avons accordé la nationalité badoise à Arnold-Robert Vuille dit Bille, seigneur du Col-des-Roches, dit Wille ". On voit que les Wille n'hésitaient pas à se donner du galon... En outre, il est peu vraisemblable que ces Wille appartiennent à la branche des Vuille-dit-Bille.

Armoiries


Si l’origine des Vuille se situe à partir de 1410 ce n’est qu’au 17e que le besoin se fit sentir de favoriser en quelque sorte le maintien de l’unité familiale. En 1660 les Vuille se donnèrent les armoiries suivantes.



Le site du Fonds des Vuille en fait une description précise: D'azur à un arbre d’or accosté en pied de deux roses tigées d’argent, le tout soutenu d’un tertre de six coupeaux de sable ; le dit arbre accompagné en chef de deux étoiles d’or.

Etymologie

Le patronyme Vuille, probablement dérivé du prénom germanique Wilhelm (en franco-provençal Vuillaume, en français Guillaume), qui signifie " volonté qui protège comme un casque ", a été écrit et prononcé de bien des manières : Vouille, Wille, etc. C'est pour cette raison que l'on trouve encore des Wille à La Chaux-de-Fonds, qui sont en fait des descendants des Vuille.

Histoire de la famille

Cette ancienne famille neuchâteloise est originaire de La Sagne. Des actes mentionnent déjà son existence au début du XVe siècle. Le fonds des Vuille rapporte ses origines:

Le nom de la famille dérive d'un prénom: Guillaume - Vuillaume - Vuilloz - Vuille. Il apparaît sous la forme de Vuilloz vers 1355 ; le plus ancien personnage connu est un Vuilloz, qui fut délégué, avec d'autres habitants de la Sagne et du Locle, auprès de Mahaut, dame de Valangin et de Guillaume d'Aarberg son fils, pour demander confirmation des franchises de ces deux localités et la concession de nouvelles. Satisfaction leur fut donnée en 1409.

Le premier ancêtre, au sujet duquel nous avons des renseignements précis, est Jeannin Vuille qui fut maire de la Sagne en 1495. Son père, Jehan Vuilloz - ou Vuille -est propriétaire à la Sagne en 1436. Il a un frère, Perrod, mort en 1443-1444, qui avait épousé Matile (Mathilde) fille de Quartier, de la Sagne. Le fils de Perrod, Pierre, qui est donc le cousin germain de Jeannin, a pris le nom de sa mère et fait souche de la famille Matile. Jehan Vuille, est mentionné jusqu'en 1472. C'est son fils Jeannin qui fut maire de la Sagne. Il vivait encore en 1504 mais était mort en 1509. Cette année-là, ses deux fils Pierre et Henri, reconnaissent les biens-fonds qu'ils possèdent ; ce sont 25 morcels de terre à Miéville, à la Combe des Cugnets, aux Coeudres, à la Corbatière, à Marmoud, etc. La surface totale est d'environ 104 hectares .

Comme le souligne le généalogiste Eric Nusslé, dans la chronique qu'il a consacrée aux Vuille à la Radio Suisse Romande, chronique reprise par Généalogie Suisse sur l'internet, les Vuille ont obtenu par la suite le droit de cité dans de nombreuses communes du canton (Les Ponts-de-Martel et Brot-Dessous), mais aussi dans l'évêché de Bâle, au XVIIe siècle, ce qui correspond aujourd'hui aux cantons de Berne (La Ferrière, Tramelan-Dessus, et plus loin, Konolfingen, Mittelland) et du Jura (Epauvillers, Les Bois).

Plus tard, d'autres branches ont fait souche dans les cantons de Genève (Genève-Ville, Bellevue), Vaud (Lausanne, Savigny), Valais (Saint-Martin), Argovie (Wangen) et Zurich (Meilen).

Quant aux Vuille-Bille, Vuille dit Bille ou encore Vuille-dit-Bille, ils ont aussi tous leur origine à La Sagne, avant de se déplacer aux Ponts-de-Martel, puis à Tramelan et enfin à Genève, où le double patronyme s'orthographie sans tirets.

Jeannin Vuille obtint en 1474, du seigneur de Valangin, un pré à la Combe des Cugnets. Ce fut l'origine du Fonds des Vuille, constitué définitivement par un acte d'association du 12 septembre 1693. Thédore Vuille (1687-1782) a laissé un journal allant de 1700 à 1740, publié par Fritz Chabloz dans La Sagne, p. 82-110. Marie-Nancy Vuille (1867-1906), femme de lettres à Paris sous le pseudonyme André Gladès. Son père, Louis Vuille, a fondé la brasserie de Saint-Jean, à Genève. Il a repris ensuite la brasserie des Moulineaux, près de Paris.

De nombreux Vuille ont travaillé dans le domaine de l'horlogerie. Plusieurs marques de montre portent les noms de Vuille, dont "Frères Vuille" et "Sandoz-Vuille".
A la branche de Tramelan-Dessus appartient Charles Vuille (1856-1920), avocat à Genève, bâtonnier de l'ordre, député au Grand Conseil et membre du Conseil d'administration du Journal de Genève.
Quelques membres de la famille Vuille-dit-Bille ont obtenu en 1822 de pouvoir s'appeler simplement Bille, notamment l'avocat Auguste Bille.

Carrefour familial

Ce site a pour ambition d'être un carrefour des Vuille, de Suisse et d'ailleurs. C'est un site familial, communautaire, ouvert à tous. Il mise sur la coopération et l'interactivité. Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues. Nous sommes notamment à la recherche de documents, textes ou images sur l'histoire de la famille.
Un répertoire des Vuille d'aujourd'hui sert de passerelle vers ces membres de la famille présents sur l’internet, ceux qui disposent de sites personnels ou professionnels, étant ainsi dans le domaine public. Il n’a évidemment pas l’ambition d’être exhaustif. N'hésitez pas à nous mentionner de nouvelles adresses.
Roland Vuille met en ligne l'arbre généalogique. Il recherche également des informations sur l'avocat Charles Vuille, originaire de Tramellan, connu pour l'affaire Raemackers, ainsi que sur Vuille N., parti au Brésil pour faire fortune en 1840. Il recherche également plusieurs livres d'André Gladès, pseudonyme de Marie-Nancy Vuille, ainsi que des numéros du Musée neuchâtelois.
Le fonds des Vuille a également mis en ligne l'arbre complet de tous les membres de la famille inscrits audit fonds. Son site comprend de nombreux renseignements sur le fonds, dont un historique très complet.